Cass. Civ. 1ère, 13 avril 2023, n° 22-12.965, FS-B.

 

Le caractère asymétrique d’une clause attributive de juridiction doit-il être assimilé à une irrégularité de forme soumis au droit autonome de l’Union, ou à un vice de fond relevant du droit national de la juridiction élue ?

 

Dans cette affaire, la société Française A. a conclu avec la société italienne S. un contrat de fourniture de marchandises.

Le contrat contenait une clause attributive de juridiction désignant le tribunal de Brescia en Italie.

A la suite d’un différend, la société A. a assigné en réparation la société S. devant le tribunal de grande instance de Rennes.

La société S. invoquait en défense l’exception d’incompétence territoriale.

Le tribunal de grande instance a rejeté l’exception d’incompétence au motif que la clause attributive de juridiction était déséquilibrée.

En effet, la clause attributive de juridiction était unilatérale (ou asymétrique) : elle offrait une option de compétence au profit de la société S., qui pouvait aussi bien saisir le tribunal de Brescia que tout autre tribunal, tandis que la société A. était cantonnée à la saisine du tribunal de Brescia.

La cour, confirmant le jugement déféré, jugeait sans égard pour le droit italien.

Pourtant, comme l’a relevé l’appelant dans ses conclusions, l’article 25 du règlement Bruxelles I bis dispose que le droit de l’Etat-membre désigné est seul applicable pour trancher la question de la validité au fond de la clause.

Le litige s’est poursuivi devant la Cour de cassation.

Faisant preuve d’une très grande prudence, la Cour de cassation a jugé qu’elle n’était pas en mesure de trancher le litige en raison de la pluralité d’interprétations qui pouvait être donnée à l’article 25 du règlements Bruxelles I bis.

C’est pourquoi elle a sursis à statuer et adressé à la CJUE une série de trois questions préjudicielles.

1°/ La première question porte sur le point de savoir si le caractère asymétrique d’une clause de juridiction pouvait être analysé comme une irrégularité de forme ou comme une cause de nullité « quant au fond » de la clause.

De manière intéressante, la Cour de cassation demande plus généralement à la Cour de justice de préciser si les conditions de validité au fond de la clause doivent être entendues de manière restrictive comme des causes matérielles de nullité (comme la fraude, l’erreur, le dol, la violence et l’incapacité) ou bien de manière plus large.

2°/ Par une deuxième question, qui concerne l’hypothèse dans laquelle la question devrait être réglée par l’application de règles autonomes, la Cour de cassation demande à la Cour de justice de trancher la question de l’applicabilité de la clause asymétrique qui n’autorise une partie qu’à saisir un seul tribunal, tandis que l’autre peut saisir toute autre juridiction compétence selon le droit commun.

3°/ Par une troisième question, qui vise l’autre hypothèse dans laquelle la question devrait être réglée par l’application de la loi de l’Etat-membre de la juridiction désignée, la Cour de cassation s’interroge sur la détermination du droit national compétent pour trancher le litige.

Les réponses à ces questions permettront d’éclaircir le sens de l’article 25 du règlement Bruxelles I bis, et d’éclairer la Cour de cassation dans son travail d’interprétation de la loi.

Elles sont donc très attendues.

 

Louis Flobert