La Cour de réexamen a rendu le 16 février 2018 ses deux premières décisions.
Instituée par la loi n° 2016-1547 du 16 novembre 2016 de modernisation de la justice au 21e siècle, dite « loi J21 », cette juridiction adossée à la Cour de cassation et composée de treize de ses magistrats a pour fonction, aux termes de l’article L. 452-1 du code de l’organisation judiciaire, le réexamen des décisions civiles prononcées en matière d’état des personnes après condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme.
Existant déjà en droit pénal, la procédure de réexamen a pour but de permettre au justiciable qui a obtenu gain de cause devant la CEDH mais dont la situation « n’est pas concrètement modifiée » de voir ses prétentions effectivement reconnues par la justice française (F. MELIN, « La Cour de réexamen des décisions civiles prononce ses deux premiers arrêts », Dalloz Actualité, 20 fév. 2018).
Concrètement, cette procédure consiste dans le réexamen d’une décision dont la CEDH considère qu’elle a été rendue en violation de la Convention ou de ses protocoles additionnels. La demande doit être formée, dans le délai d’un an à compter de la décision de la CEDH. Le demandeur doit être une partie intéressée qui ne peut se contenter d’une simple « jurisprudence » de la CEDH mais doit se prévaloir d’un arrêt rendu en sa faveur.
L’article L. 452-1 dispose que peut être demandé le réexamen d’un pourvoi en cassation dans les mêmes conditions.
Si la Cour de réexamen accueille la demande, elle peut, dans le cas du réexamen d’une décision, après avoir annulé cette dernière, renvoyer le requérant devant une juridiction de même ordre et de même degré.
Dans le cadre du réexamen d’un pourvoi, « si le réexamen […] est de nature à remédier à la violation constatée » la Cour renvoie devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation. (F. CHENEDE, « Réexamen d’une décision civile après condamnation par la CEDH », AJ Famille, 2016, p. 595).
La loi « J21 » limite la procédure de réexamen à l’état des personnes ce qui inclut la question des enfants nés de gestation pour autrui.
Dans la première espèce (n° 001), un couple français avait conclu aux Etats-Unis une convention de gestation pour le compte d’autrui. Deux enfants étaient nées, dont les actes de naissance dressés conformément à une décision de justice américaine désignaient le couple de Français comme leurs père et mère.
La transcription des actes de naissance sur le registre du service central de l’état civil, effectué à la demande du ministère public, a été annulée à la requête de celui-ci par arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 mars 2010 rendu sur renvoi après cassation (1re civ., 17 déc. 2008, n° 07-20.468) un pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté (1re civ., 6 avril 2011, n° 10-19.053).
La Cour européenne des droits de l’homme, a considéré que le droit des enfants au respect de leur vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention avait été violé. (CEDH , M. c. France, n° 65192/11).
Dans la seconde espèce (n° 002), deux jumeaux étaient nés en Inde et avaient été reconnus par le requérant de nationalité française, lequel a demandé la transcription de l’acte de naissance sur le registre consulaire. Sur instruction du Procureur de la République, le consulat a sursis à cette demande.
Par arrêt du 13 septembre 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par cour d’appel de Rennes qui avait ordonné la transcription.
Par arrêt du 21 juillet 2016 (F. et B. c. France, n° 9063/14 et 10410/14) la Cour européenne des droits de l’homme a de nouveau considéré que le droit des enfants au respect de leur vie privée, avait été violé.
La Cour de cassation refusait, par une jurisprudence constante, la transcription sur les registres de l’état civil d’actes de naissances d’enfants nés à l’étranger d’une mère porteuse (Civ. 1re, 17 dec. 2008, n° 07-20.468 ; Civ. 1re, 17 nov. 2010, n° 09-68.399).
A la suite de l’arrêt de la CEDH du 26 juin 2014 précité (CEDH , M. c. France, n° 65192/11) elle a modifié sa jurisprudence et considéré qu’une convention de GPA ne fait pas obstacle à la transcription à l’état civil des actes de naissances (Ass. Pl., 3 juill. 2015, n° 15-50.002, 14-21.323).
C’est dans ces circonstances que s’inscrit la procédure de réexamen. En effet la seule décision de la CEDH ne mettait pas fin à la violation des droits de l’homme en cause.
La Cour de réexamen accueille les requêtes déposées par les parties aux motifs que « par leur nature et leur gravité, les violations constatées entraînent pour les enfants des conséquences dommageables, auxquelles la satisfaction équitable accordée par la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas mis un terme », elle fait droit à la demande de réexamen des pourvois en cassation respectifs et renvoie les affaires devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.
E. Maitenaz (stagiaire)