Conseil d’Etat, Juge des référés, 01/06/2024, n° 494703
Par une décision en date du 1er juin 2024 (n°494703), le juge des référés du Conseil d’État a, pour la première fois, statué sur la question de savoir si un maire peut, au titre de ses pouvoirs de police, reporter la date de célébration d’un mariage si celle-ci est susceptible de causer un trouble à l’ordre public. Il a ainsi dû concilier la liberté fondamentale du mariage avec les pouvoirs de police du maire.
Dans cette affaire, le maire de la commune d’Autun avait décidé d’encadrer par le biais de plusieurs décisions la célébration d’un mariage, qui devait avoir lieu le samedi 1er juin 2024 au motif que cette célébration était susceptible de causer un trouble à l’ordre public.
Dans un premier temps, il a pris un arrêté portant interdiction de la circulation de véhicules de sport et de collection pour une durée de 3 jours afin de prévenir des rodéos urbains durant la célébration du mariage. Dans un second temps, le maire de la commune a décidé de reporter la date de célébration du mariage sine die, et ce, à moins de 7 jours de la date prévue.
Les futurs époux ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Dijon en vue d’obtenir la suspension des décisions prises par le maire. Ils ont reproché à ces actes pris sur le fondement des pouvoirs de police du maire, de violer leur liberté d’aller et venir et leur liberté de se marier. De plus, ils ont avancé, au regard de la circulaire du 13 juin 2013 du ministre de l’intérieur et de l’article 175-2 du Code civil, qu’un maire ne peut pas reporter la date de célébration d’un mariage. En effet, cet article énonce que seul le Procureur de la République peut s’opposer au mariage de deux individus ou décider qu’il sera sursis à sa célébration.
Le juge des référés du tribunal administratif de Dijon leur avait donné raison au motif que le maire ne justifiait d’aucun risque de trouble à l’ordre public lié à la célébration du mariage.
A l’inverse, le juge des référés du Conseil d’Etat a considéré que les décisions en question ne portaient pas une atteinte disproportionnée à la liberté fondamentale du mariage et à la liberté fondamentale d’aller et venir.
En effet, le Conseil d’État a relevé que le maire d’Autun démontrait devant lui l’existence de risques avérés de trouble à l’ordre public. Dans un premier temps, lors de la réunion préparatoire au mariage tenue le 18 mai 2024, des échanges « particulièrement tendus » avaient eu lieu entre les futurs époux et le maire. Ensuite, le maire d’Autun a établi que des infractions au Code de la route avaient été commises par des voitures de sport et de collection durant le mariage du cousin de la mariée en septembre 2023. Enfin, plusieurs incendies volontaires de véhicules avaient été commis dans la nuit du 18 au 19 mai 2024, soit juste après ladite réunion, permettant ainsi au maire de justifier le report de la date de la célébration du mariage.
Cette décision consacre, pour la première fois, en référé, la possibilité pour un maire de reporter la date de la célébration d’un mariage. Il en résulte que l’interdiction faite au maire de s’opposer à la célébration du mariage sur le fondement de l’article 175-2 du Code civil et de la circulaire du 13 juin 2013 du ministre de l’intérieur ne s’applique que lorsqu’est en cause la légalité du mariage en question. A l’inverse, lorsque cette légalité n’est pas discutée par le maire mais qu’il constate que sa célébration peut causer un trouble à l’ordre public, ses pouvoirs de police lui permettent de reporter la date de célébration du mariage.
Il devra pour cela cependant justifier concrètement les circonstances particulières faisant craindre un tel trouble.
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