Affaire du Levothyrox : la Cour de cassation rejette le pourvoi du laboratoire

 

La Cour de cassation s’est trouvée saisie de la très médiatique affaire du Levothyrox à l’occasion du pourvoi formé par le laboratoire Merck contre l’arrêt l’ayant condamné à réparer le préjudice moral des patients.

Rappelons à cet égard qu’à la demande de l’Agence nationale de sécurité du médicament, le laboratoire a modifié la formule du Levothyrox, médicament consommé au quotidien par près de trois millions de personnes souffrant de pathologies thyroïdiennes : un excipient -le lactose – a été remplacé par du mannitol et de l’acide citrique anhydre.

Se plaignant d’un défaut d’information et d’effets indésirables, plus de 4000 personnes ont sollicité par voie judiciaire la réparation de leur préjudice moral.

Statuant sur le pourvoi formé par le laboratoire contre l’arrêt ayant fait droit aux demandes des patients, la Cour de cassation a rendu une décision riche de deux enseignements.

 

Le premier porte sur la faute : elle a approuvé la cour d’appel d’avoir retenu que, même si la notice respectait les exigences réglementaires et avait été approuvée par les autorités sanitaires, le laboratoire a violé son obligation d’information en ne mentionnant pas le changement de formule sur la boîte par un message d’alerte (il fallait que le patient compare l’ancienne et la nouvelle notice pour s’apercevoir du changement de formule).

Ainsi, la violation de l’obligation générale d’information peut être caractérisée, même si son débiteur a fourni toutes les informations spéciales exigées par les textes.

 

Le second porte sur le dommage réparé : le laboratoire se prévalait de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle le préjudice moral causé par un défaut d’information en matière médicale n’est réparable que si un risque inhérent au traitement s’est réalisé. Or précisément, la cour d’appel avait expressément déclaré que le préjudice qu’elle réparait était indépendant de la question de l’existence d’un lien objectif entre le changement de formule et les symptômes ressentis.

Sur ce point, la Cour de cassation semble caractériser un nouveau type de préjudice, dont la réparation échappe à la règle dont se prévalait le laboratoire.

Elle a approuvé la cour d’appel d’avoir retenu que chaque requérant avait subi un préjudice causé par le défaut d’information sur la modification de l’excipient, et que ce préjudice résidait dans le fait de s’être trouvés désemparés pour faire face aux troubles ressentis et engager les démarches adéquates avec les professionnels de santé.

En effet, les patients avaient absorbé un médicament modifié sans être informés de cette modification, et s’étaient trouvés désarmés face à l’apparition de symptômes, privés d’un élément d’information déterminant pour y faire face.

On le voit, l’affaire du Levothyrox, en raison de ses particularités, donne l’exemple d’un préjudice moral inédit.

 

François Colonna d’Istria