(1re Civ.9 septembre 2020, 19-14.934, FS–P+B)

 

 La Cour de cassation vient de confirmer que n’est pas abusive la clause prévoyant que les intérêts d’un prêt sont calculés sur la base d’une année de 360 jours et d’un mois de 30 jours (clause 30/360).

Cette question agite la Place et la doctrine, surtout depuis que la haute juridiction a fait évoluer sa doctrine sur les conditions et la nature de la sanction encourue par le prêteur qui recourt à une année de 360 jours dans le calcul des intérêts.

En effet, la Cour de cassation admet l’équivalence financière des rapports 30/360 et 1/12 pour le calcul des intérêts mensuels (civ. 1re, 10 octobre 2019, 18-19.151 ; 14 novembre 2019, 18-18.246). Par définition, les intérêts mensuels sont calculés en fraction d’année, et non en jours, de sorte qu’il revient au même de les calculer en divisant par 12 le produit du taux et du capital restant dû, ou en multipliant ce produit par 30/360. La clause 30/360 est alors dénuée d’incidence.

En revanche, appliquée aux intérêts journaliers, la clause 30/360 peut avoir une incidence financière puisque, sur un nombre de jours déterminé, il ne revient pas au même d’employer un diviseur 360 ou 365 : la Cour de cassation décide désormais que le prêteur n’encourt de sanction qu’à condition que l’application de la clause ait affecté le TEG au-delà de la première décimale, et cette sanction consiste, non plus en l’annulation de la clause d’intérêts, mais en une déchéance du droit aux intérêts, dont le juge fixe librement la proportion (civ. 1re, 11 mars 2020, 19-10.875, F-P+B ; avis 10 juin 2020, 20-70.001, P+B).

La Cour de cassation ayant ainsi défini le régime de la clause 30/360, restait à déterminer si elle présente un caractère abusif.

La haute juridiction s’était déjà prononcée par un précédent arrêt, non publié, en approuvant une cour d’appel d’avoir exclu le caractère abusif au motif que la clause 30/360 est une clause d’équivalence financière et qu’ainsi, le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties n’était pas démontré (civ. 1re, 11 mars 2020, 19-10.858). Cette position est tout à fait cohérente au regard du défaut d’incidence de la clause 30/360 sur les intérêts mensuels.

Mais qu’en est-il si la clause 30/360 a été appliquée au calcul des intérêts journaliers ? C’est ici que l’arrêt du 9 septembre 2020 révèle toute sa portée et il ne faut pas hésiter à cet égard à y voir une décision de principe, d’autant qu’il a été rendu en formation de section et qu’il est publié au bulletin.

La Cour de cassation définit l’office du juge devant examiner le caractère abusif d’une telle clause appliquée aux intérêts journaliers : il doit apprécier ses effets financiers sur le coût du crédit afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. C’est pour n’avoir pas procédé à cette vérification que la cour de Limoges a vu son arrêt censuré.

Ainsi, c’est au regard de l’impact sur le coût total du crédit, que l’existence du déséquilibre significatif doit être appréciée ; le juge doit donc procéder à un calcul in situ et ce n’est que si l’augmentation du coût du crédit est suffisamment importante que le déséquilibre significatif sera caractérisé et la clause déclarée abusive.

En définitive, le régime de la clause 30/360 dépend de la distinction entre intérêts mensuels et intérêts journaliers.

S’agissant des premiers, ils ne justifient aucune sanction sur le fondement des règles de calcul des intérêts, et la clause n’est pas abusive au regard du droit de la consommation.

S’agissant des seconds, le prêteur encourt une simple déchéance librement modulable à condition que le TEG soit affecté au-delà de la première décimale et la clause peut être déclarée abusive, là encore à condition que le coût du crédit soit augmenté substantiellement (dans une proportion qu’il appartient au juge du fond de déterminer).

De là à dire que le contentieux de l’année de 360 jours est désormais réduit à presque rien, il n’y a qu’un pas.

François Colonna d’Istria