Le 2 mars 2018, le Conseil constitutionnel a abrogé les articles 362 et 365-1 du code de procédure pénale qui, interprétés par la Cour de cassation, faisaient obstacle à la motivation des peines prononcées par les cours d’assise.

La motivation des arrêts d’assise a fait depuis le début des années 2010, l’objet d’importantes évolutions. Elle a été rendue obligatoire par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 faisaient suite à une décision de la CEDH de 2010 qui avait considéré que l’absence de motivation était contraire aux exigences du procès équitable (CEDH, 16 nov. 2010, Taxquet c. Belgique). La France a fait sienne cette solution qui concernait la Belgique et a consacré à partir du 1er janvier 2012 l’obligation pour les cours d’assises de motiver leurs arrêts. L’article 365-1 du code de procédure pénale dispose ainsi que le président ou l’un des magistrats assesseurs rédige la motivation de l’arrêt rendu par la cour d’assises en énonçant, en cas de condamnation, les principaux éléments à charge qui pour chacun des faits reprochés à l’accusé, ont convaincu la cour d’assises. Cependant le choix de la peine n’était pas motivé.

La question de la motivation du choix de la peine des arrêts d’assises a fait l’objet de plusieurs demandes de renvoi de QPC devant la Cour de cassation, qui refusait de les renvoyer au Conseil constitutionnel en jugeant que les questions posées ne présentaient pas de caractère sérieux. (Crim., 25 sept. 2013, n° 13-81.210 ; Crim., 9 avril 2014, n° 13-85.192 ; Crim., 4 mars 2015, n° 14-85.321). Plus encore, la jurisprudence de la Cour de cassation interdisait aux arrêts d’assises de motiver la peine qu’ils prononçaient et la Cour de cassation n’hésitait pas à censurer les arrêts qui avaient motivé le choix de la peine. (Crim., 8 fév. 2017, n° 15-86.914 ; Crim., 8 fév. 2017, n° 16-80.389 ; Crim., 8 fév. 2017, n° 16-80.391).

Une évolution, pourtant, est apparue. Par trois décisions du 1er février 2017, la Cour de cassation a imposé aux tribunaux correctionnels de motiver les peines prononcées (Crim., 1er fév. 2017, n°15-83.984, 15-84.511, n° 15-85.199). Cette nouvelle solution allait mener vers une évolution de la position de la Cour de cassation quant à l’attitude adoptée en matière criminelle.

Ainsi, le 28 décembre 2017, la Cour de cassation, jugeant, entre autres, que les solutions énoncées en matière correctionnelle pouvaient créer une différence de traitement entre les prévenus, a renvoyé une QPC portant sur les articles 362 et 365-1 du code de procédure pénale et plus précisément son deuxième alinéa, lequel fondait la jurisprudence interdisant la motivation des peines prononcées en matière criminelle.

Les requérants invoquaient la contrariété à la Constitution de ces dispositions qui n’imposaient pas la motivation du choix de la peine dans les arrêts d’assises. Ils soutenaient qu’ainsi rédigés, ces textes portaient atteinte aux principes de nécessité et de légalité des peines, au principe d’individualisation des peines, au droit à une procédure juste et équitable, aux droits de la défense et au principe d’égalité devant la loi et devant la justice.

Par sa décision du 2 mars 2018 le Conseil constitutionnel abroge la règle jurisprudentielle de la Cour de cassation selon laquelle, le deuxième alinéa de l’article 365-1 du code de procédure pénale interdisait aux magistrats d’assises de motiver le choix de la peine.

Le Conseil déclare les dispositions attaquées anticonstitutionnelles, « en n’imposant pas à la cour d’assises de motiver le choix de la peine, le législateur a méconnu les exigences tirées des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789 ». Surtout le Conseil constitutionnel rappelle qu’il incombe au législateur de fixer des règles de droit pénal et de procédure pénale « de nature à exclure l’arbitraire », ainsi en ne prévoyant pas d’obligation pour le juge de motiver les peines qu’il prononce, le législateur aurait perdu de vue l’objectif de lutte contre l’arbitraire assigné au droit pénal et à la procédure pénale.

Cependant, estimant que les conditions d’une abrogation immédiate seraient « manifestement excessives », le Conseil reporte à la date du 1er mars 2019 l’abrogation du deuxième alinéa de l’article 365-1 du code de procédure pénale.

Est ainsi affirmée une exigence de motivation du choix de toutes les peines dans les arrêts de cour d’assises.

E. Maitenaz (stagiaire)