Le cartel des endives et la nécessité de conciliation des objectifs de la PAC avec le droit de la concurrence

CJUE, 14 novembre 2017, C-671/15

Le ministre de l’Economie français a saisi en 2007 l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives. Selon lui, avait été mise en œuvre une entente complexe et continue entre les opérateurs du marché prohibée par l’article 420-1 du Code de commerce et l’article 101 p.1 du TFUE. Etait reproché aux organisations de producteurs (OP) une concertation sur le prix des endives, au moyen de la diffusion hebdomadaire d’un prix minimum, la fixation d’un cours pivot, la mise en place d’une bourse aux échanges, la fixation d’un prix cliquet, une concertation sur la quantité d’endives mises sur le marché… L’Autorité de la concurrence a constaté que ces pratiques ont perduré de 1998 à 2007 et a infligé des sanctions pécuniaires aux organismes professionnels d’un peu moins de 4 millions d’euros.

Saisie par les producteurs, la cour d’appel de Paris a estimé que les dispositions précitées n’avaient pas été méconnues. En effet, selon la cour, les pratiques mises en cause se trouvaient dans le cadre du régime dérogatoire au droit de la concurrence découlant de l’application des règles de la politique agricole commune. Ainsi les comportements mis en cause n’étaient pas considérés comme constituant une entente.

L’Autorité de la concurrence a formé un pourvoi en cassation contre cette décision. La Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et procédé à un renvoi préjudiciel à la CJUE. La question posée était de savoir, lorsque des organisations de producteurs d’endives procèdent à la fixation collective de prix minima de vente, se concentrent sur les quantités mises sur le marché et échangent des informations stratégiques, si les dispositions européennes sur la PAC, permettent d’exclure l’application de l’interdiction des ententes prévues à l’article 101 paragraphe 1, TFUE.

La CJUE procède en deux temps.

Elle estime dans ses points 43 et 44 que « sauf à priver les OP des moyens leur permettant d’atteindre les objectifs qui leur sont confiés dans le cadre de l’organisation commune de marché à laquelle elle prennent part et à remettre en cause l’effet utile des règlements portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes, les pratiques de ces entités nécessaires pour atteindre un ou plusieurs de ces objectifs doivent échapper à l’interdiction des ententes prévue à l’article 101, p1, TFUE. »

Toutefois, la portée de ces exclusions doit rester d’interprétation stricte car, selon la jurisprudence européenne, « les organisations communes des marchés des produits agricoles ne constituent pas un espace dépourvu de concurrence » (CJUE 9 sept. 2003, aff. C-137/00, Milk Marque et National Farmers’ Union).

Ainsi, les échanges d’informations stratégiques entre producteurs sont admis, s’ils interviennent effectivement aux fins de l’objectif ou des objectifs assignés à ces organisations et limités aux seules informations strictement nécessaires à ces fins ; une régularisation des prix à la production, afin d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole  et une concentration de l’offre, afin de renforcer la position des producteurs face à une demande sans cesse plus concentrée, s’ils permettent de répondre aux objectifs poursuivis par la PAC et sont proportionnés.

La Cour de justice estime en revanche dans son point 66 que les pratiques qui portent sur la fixation collective de prix minima de vente ne peuvent être soustraites à l’interdiction des ententes prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu’elles sont convenues entre différentes OP ou AOP. La CJUE estime en effet qu’elles ne permettent pas de répondre de façon proportionnée aux objectifs de régularisation des prix ou de concentration de l’offre.