Prêts en Francs suisses : l’obligation d’information du banquier varie selon que l’emprunteur perçoit des revenus en francs suisses ou en euros

 

La Cour de cassation a rendu le 30 mars 2022 une série d’arrêts concernant les prêts en francs suisses remboursables en euros dont deux sont à signaler. Il résulte de ces arrêts que l’obligation du banquier varie selon que l’emprunteur perçoit des revenus en francs suisse (1er arrêt, n° 19-17.996, FS-B, rendu dans l’affaire Helvet Immo), ou bien en euros (2nd arrêt, n° 19-22.522, F-D).

Dans l’affaire Helvet Immo, la Cour de cassation a jugé qu’en présence d’un prêt en francs suisses, remboursable en euros, et dont les stipulations font peser le risque de change sur l’emprunteur, la banque doit fournir à ce dernier des informations lui permettant d’évaluer le risque de conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus (l’euro) par rapport à la devise employée comme monnaie de compte (francs suisses). Il ne suffit donc pas d’attirer l’attention de l’emprunteur sur l’existence d’un risque de change.

Ce faisant, la Cour de cassation se conforme à la solution adoptée par la CJUE dans une série d’arrêts rendus le 10 juin 2021. Selon la Cour de justice, le professionnel doit avertir le consommateur du contexte économique susceptible d’avoir des répercussions sur les variations de taux de change, étant précisé que des simulations chiffrées constituent un élément d’information utile mais pas nécessairement suffisant. Dans ces affaires était en cause la législation sur les clauses abusives. L’information donnée à l’emprunteur n’étant pas suffisante, la clause stipulant le remboursement en devise ne satisfaisait pas à l’exigence de transparence posée par la directive 93/13 sur les clauses abusives, de sorte que cette stipulation, bien qu’elle porte sur l’objet même du contrat, est susceptible d’être déclarée abusive.

Dans le second arrêt, la Cour de cassation a fait preuve d’une plus grande souplesse à l’égard du banquier : celui-ci n’a pas à délivrer une mise en garde un couple d’emprunteur lorsque, comme en l’espèce, l’un des époux perçoit des revenus en francs suisses représentant les deux tiers des revenus du couple. En pareille hypothèse, le prêt ne présente qu’un risque limité pour les emprunteurs, ce qu’avait relevé la cour d’appel.

L’on ne saurait mieux dire : lorsque l’emprunteur perçoit ses revenus dans la monnaie de compte, ici le franc suisse, il ne subit aucun risque de change, de sorte que le contenu du devoir d’information du banquier ne saurait s’apprécier selon les mêmes critères. Il suffit donc que le prêt soit en adéquation avec les revenus de l’emprunteur au jour de la souscription pour que toute responsabilité de la banque soit écartée.

Sans doute peut-on en déduire que lorsque l’emprunteur perçoit une part substantielle de ses revenus en francs suisses, le prêt ne comporte pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur, si bien que la clause de remboursement n’est pas susceptible d’être déclarée abusive. Mais il faut attendre que la Cour de cassation le confirme.