1ère civ. 9 février 2022, n° 20-19.625

Le 9 février 2022, la Cour de cassation a donné d’importantes précisions sur la détermination de la loi applicable à l’action en répétition de l’indu en vertu du règlement Rome II (864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles). Il s’agit d’un arrêt de principe destiné à être publié au Bulletin civil des arrêts de la Cour de cassation.

Un notaire allemand avait commis une faute intentionnelle à l’égard d’une victime de nationalité française. Conformément à la loi allemande, l’assureur, une société allemande, avait indemnisé la victime puis s’était retourné contre le responsable. Mais son action, exercée tardivement, avait été écartée par les juridictions allemandes. C’est alors que l’assureur avait réclamé à la victime la restitution des sommes qu’il lui avait versées et avait saisi les juridictions françaises d’une action en répétition de l’indu. La question se posait de savoir si cette action était soumise au droit allemand ou bien à la loi française.

La cour d’appel de Metz avait opté pour la première solution. Mais la victime, représentée par le cabinet, a obtenu la cassation de cette décision.

La solution dépendait de l’interprétation de l’article 10 § 1 du règlement Rome II, qui dispose que :

« Lorsqu’une obligation non contractuelle découlant d’un enrichissement sans cause, y compris un paiement indu, se rattache à une relation existante entre les parties, telle qu’une obligation découlant d’un contrat ou d’un fait dommageable présentant un lien étroit avec cet enrichissement sans cause, la loi applicable est celle qui régit cette relation ».

Ce texte prévoit une extension de compétence législative : la loi régissant la relation existante entre les parties est également applicable à l’obligation quasi-contractuelle qui en découle.

En l’espèce, la cour d’appel avait vu une « relation existante entre les parties » dans le contrat d’assurances liant l’assureur allemand et le notaire, de même nationalité.

C’est précisément sur ce point qu’intervient la cassation. Pour la cour régulatrice, la relation existante entre les parties à l’obligation extracontractuelle ne peut pas résulter d’un contrat conclu par l’une d’elles avec un tiers. En effet, la « relation existante » est uniquement celle qui lie les parties à l’action en répétition de l’indu. La Cour de cassation ajoute, et c’est parfaitement logique, que cette relation ne découle pas davantage de l’exécution par l’une des parties aux obligations que la loi attache au contrat qu’elle a conclu avec le tiers. Ainsi, l’existence d’un contrat conclu entre l’assureur et son assuré ne constitue pas un critère de rattachement.

La précision est d’importance, car comme il n’existe aucune liste exhaustive, aucun numerus clausus des relations préexistantes entre parties au quasi-contrat susceptibles de constituer un critère de rattachement permettant de déterminer la loi applicable en vertu de l’article 10.1, la tentation est grande de faire feu de tout bois et de tirer cette relation d’éléments étrangers à l’une d’elles.

C’est précisément ce à quoi s’oppose ici la Cour de cassation : si les parties au quasi-contrat ne sont liées au moment de son fait générateur par aucune relation contractuelle, délictuelle ou légale, il faut appliquer les critères de rattachement subsidiaires exposés par les §§ 2 à 4 de l’article 10 du règlement Rome II, plutôt que d’élargir indument la notion de relation préexistante en la tirant d’éléments étrangers à l’une des parties.

François Colonna d’Istria