Com. 22 novembre 2023, n° 21-24.839, publié au Bulletin

 

Revirement de jurisprudence : la recevabilité d’un appel-nullité relève de la compétence de la cour d’appel et non plus du conseiller de la mise en état

 

Par cet important arrêt de principe, la Cour de cassation a entendu procéder à un revirement de sa jurisprudence – qui, jusque-là, admettait la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la recevabilité de l’appel-nullité, et délimiter les pouvoirs du conseiller de la mise en état eu regard aux nouvelles dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances en cours au 1er janvier 2020 (article 55-1).

Ce texte confère, en effet, au conseiller de la mise en état les pouvoirs attribués au juge de la mise en état lors de la première instance dans les conditions prévues par les articles 780 à 807. L’article 907 renvoie ainsi à l’article 789 qui définit, aux termes de sa nouvelle rédaction, les compétences du conseiller de la mise en état comme celles du juge de la mise en état, avec notamment une compétence pour « 6° Statuer sur les fins de non-recevoir« . Le texte vise sans exclusion toutes les fins de non-recevoir et englobe les fins de non-recevoir qui imposent, pour être jugées, de trancher une question de fond.

La réforme de la procédure civile a donc ajouté un pouvoir considérable dans son étendue et ses conséquences au magistrat chargé de la mise en état, dont les pouvoirs se trouvaient antérieurement limités, en cause d’appel, à la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel et des conclusions des parties.

Par un avis du 3 juin 2021 (n° 21-70.006), la Cour de cassation avait déjà considéré que le conseiller de la mise en état ne pouvait connaître ni des fins de non-recevoir qui avaient été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n’ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui avait été jugé au fond par le premier juge.

En d’autres termes, si le conseiller de la mise en état a l’obligation mettre en œuvre les prérogatives que lui reconnaît le code de procédure civile, il lui est interdit de prendre, dans l’exercice de cette compétence, une décision qui aurait pour effet de porter atteinte à l’autorité de la chose jugée en première instance.

Or, dès lors que la voie de l’appel-nullité n’est ouverte qu’en cas d’excès de pouvoir commis par le juge de première instance, il y a lieu, pour en apprécier la recevabilité, de se prononcer sur l’existence ou non d’un excès de pouvoir. Et si la décision de première instance est entachée d’excès de pouvoir, elle sera nécessairement annulée.

Et puisque déclarer un appel-nullité recevable revient en définitive à en admettre le bien fondé et, par voie de conséquence, à décider que la décision de première instance est entachée d’excès de pouvoir et donc nulle, l’on se trouve dans un cas où la seule décision sur la recevabilité de l’appel porte atteinte à l’autorité de chose jugée en première instance.

Telle sont les raisons qui justifient la solution adoptée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation.